Sur les traces des musiciens

Maisons de Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert, Strauss, une série de lieux à découvrir dans cette ville dédiée à la musique.

« Ici tout le monde écoute la musique en silence. »

Mozart

Epuisé, malade, endetté par le jeu, Mozart s’éteint dans la nuit du 4 au 5 décembre 1791.

Arrivé à Vienne en 1781, plein d’espoir, ravi de cette ville large et cosmopolite, où le public apprécie la musique et la cultive en organisant fêtes et concerts, Mozart, l’indiscipliné, n’accepte pas le rôle de simple domestique auquel son statut de musicien le cantonne. Chassé à coup de pied par le comte d’Arco, chambellan de Colloredo, archevêque de Salzburg, il démissionne le 9 juin 1781.

Fontaine de la Flûte enchantée sur la Mozart Gasse

Mozart a 25 ans. Épris de sa liberté nouvelle et pour subvenir à ses besoins financiers, Mozart enchainera les heures d’enseignement, les concerts, les compositions, les commandes, les opéras. Durant les 10 années viennoises, il vivra dans 13 appartements au gré de ses revenus fluctuants d’artiste indépendant. La Mozarthaus de Vienne, devenu aujourd’hui musée, est sans doute l’appartement le plus luxueux qu’il ait habitée à Vienne. Installé au 8 de la Schulerstraße, il occupera les lieux entre 1784 et 1787 avec sa femme Constance, leur fils Carl et trois domestiques. C’est dans cet espace familial vivant, au cœur de la ville, lieu de fêtes et d’amitié, que Mozart a composé les Noces de Figaro.

Assez émouvant de pénétrer dans cet espace reconstitué en cette date fatidique du 4 décembre.

Regarder par la fenêtre, sortir dans la rue et imaginer les pas décidés de ce petit homme plein de musique qui connu bien des tribulations dans cet univers viennois.

Dans la période studieuse et plutôt calme du début décembre, une lumière musicale a brillé pour annoncer Noël. Entendre le Messie de Haendel par la Wiener Singakadamie et l’orchestre Barucco sous les ors du Konzerthaus est déjà magnifique. Mais quand Heinz Ferlesch, en lutin danseur, sculpte la musique avec une finesse absolue, la cisèle, on admire cette pure beauté. Des choix audacieux et si justes, comme débuter le fameux Halleluyah que tout le monde attend pianissimo, comme une rumeur qui enfle du lointain. Solistes parfaits, douceur extrême de la soprano Shira Patchornik dans sa robe vaporeuse couleur de bois, accordées aux cordes. Une merveille, ce chœur final qui amène aux larmes un public captivé, saisi durant trois heures.

Contraste total pour la suite de ma tournée des musiciens. L’appartement de Beethoven situé au dernier étage de la Pasqualatihaus offrait une belle situation sur le Ring, mais l’austérité des lieux reflète l’histoire de cette maison dont furent chassés et déportés les habitants en 1939. Peu d’objets, quelques fac-simile de partitions qui montrent la dynamique et les idées foisonnantes du maître qui composa ici son seul opéra, Fidelio.

L’ambiance est tout autre dans la maison de naissance de Schubert (1797-1828) : cette demeure au cœur de ce qu’on appellerait aujourd’hui un habitat collectif, faisait office d’école dans le quartier de la Nussendorfer Strasse. C’est ici que Schubert, pur viennois, le seul en réalité de tous ces grands noms, a vu le jour. Cour intérieure pittoresque, espace chaleureux, ces pièces sans doute parcourues de voix enfantines nous permettent d’entrer dans l’intimité familiale et, devant le piano de son frère et une paire de lunettes brisées, l’on croit saisir la personnalité du musicien. Joie, convivialité et mélancolie des lieux.

Lieder à l’écriture fine et soignée de ce compositeur aimé des siens, mort trop jeune et qui s’émerveillait de la clarté de la musique de Mozart.

Et surprise dans une annexe de cette maison Schubert, ce tableau d’Adalbert Stifter : Lausanne, Place de la Palud, 1836.

Dans un registre plus mondain et brillant, connu pour ses valses et ses opérettes, celui qui fera danser la Cour, et bien plus tard les nazis qui cacheront ses origines juives, c’est évidemment Johann Strauss fils (1825-1899).

L’appartement de la Praterstrasse reflète la renommée mondiale de ce compositeur flamboyant, violoniste à la tête de son propre orchestre, qui connut le succès de son vivant et qui emmènera ses musiciens de la Russie aux Etats-Unis. Le seul dont on puisse voir des photos, ici avec Brahms en 1894.

Echo au concert de Nouvel-An, je ne résiste pas à partager cette jolie animation hivernale qui rend hommage au roi de la valse viennoise.

Ambiance glaciale à Heiligenstadt. C’est dans ce village de campagne, alors bien loin de l’agitation viennoise, que se situe le Musée Beethoven.

Heiligenstadt, le nom résonne de ce testament que Beethoven (1770-1827) adressa à ses frères en 1802, document jamais envoyé, retrouvé après la mort du compositeur. Aveu de sa surdité, désespoir de celui qui voit s’éloigner la société humaine à laquelle il ne peut participer et qui, à 32 ans, vit seul comme un exilé puisqu’il ne peut dévoiler son état, lui le musicien virtuose. Résignation ou suicide ?

Ainsi je te fais mes adieux – et certes tristement – oui, à toi, espérance aimée – que je portais avec moi jusqu’à présent – l’espérance d’être guéri au moins jusqu’à un certain point – elle doit maintenant me quitter complètement, comme les feuilles d’automne tombent et se flétrissent.

Beethoven

Envoyé à la campagne pour son médecin pour reposer ses oreilles, Beethoven trouvera la réponse dans le dépassement par la force héroïque de la musique.

Détermination de ce jeune homme venu à Vienne au printemps 1787 pour rencontrer Mozart dont il jouait les œuvres dans ses années de formation, peut-être même prendre des cours avec lui. Audace et courage de celui qui avait traversé le champ de bataille en 1792 – quelques mois après la mort de Mozart – quand il revient à Vienne depuis sa ville natale de Bonn dans le but d’étudier avec Haydn.

La musique comme combat, joie et hymne à la fraternité.

Père spirituel de tous les compositeurs viennois, ou viennois par assimilation et fierté, Haydn adorait le petit jardin de sa maison de campagne, située dans les faubourgs près de Mariahilfe. Douceur et sérénité de l’âge. Il passa ici ses douze dernières années, composant La Création et Les Saisons.

On lui rendait visite, le saluant comme « Papa Haydn », lui qui n’avait pas eu d’enfant. De Constance Mozart avec son fils Franz Xaver à Clementi, Cherubini, Beethoven, Carl Maria von Weber, tous ont monté cette rampe d’escaliers pour rendre hommage à celui qui est au fondement de la musique classique et qui resta durant 42 ans au service de la famille Esterházy.

Dernier lieu de cette tournée hommage, l’appartement du professeur, écrivain et compositeur Ferdinand Schubert. C’est ici, chez son frère aîné, que Franz Schubert, atteint de la fièvre typhoïde, déjà affaibli par la syphilis, vient se reposer, et mourir, à 31 ans.

Infiniment touchante cette lettre dans laquelle le jeune homme raconte à son ami Schober qu’il a lu Le dernier des Mohicans, L’Espion, Le Pilote et Les Pionniers de Fenimore Cooper et qui lui demande d’autres livres en attendant d’aller mieux.

On quitte les lieux, pensif et ému, en jetant un dernier regard sur ces partitions tracées d’une écriture fine et appliquée, mais où l’urgence apparaît.

Les esprits créateurs ont aimé Vienne et elle attire aujourd’hui tous les amoureux de musique classique.

Et l’on repense au cénotaphe de Mozart au Zentralfriehof, autour duquel sont disposés tous les monuments funéraires des compositeurs.

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