Dachau – Münich, mémoire et musique

La route directe d’Ausgburg à Munich traverse agréablement la campagne sur une septantaine de kilomètres, trop pour une journée. Luttant contre le sentiment d’horreur que le nom de Dachau suscitait en moi, j’ai décidé d’y faire étape. Et je devais le faire.

Tout d’abord parce qu’au hasard d’une petite faim au soleil, j’ai levé les yeux pour lire Café Mozart, là au beau milieu d’un village perdu, improbable. Personne. Je suis entrée. Et j’ai trouvé Helena, une vieille grand-mère, veuve depuis quelques mois, qui tient ce bistrot depuis 40 ans. Mozart, bien sûr, parce que c’était la seule route entre Salzburg et Augsburg, et surtout parce qu’elle et son mari ont chanté longtemps dans le Kammerchor de Friedberg, ce qui les a emmenés dans les plus grandes capitales d’Europe. Rencontre touchante.

Personne n’associerait Dachau à la douceur de vivre, à la gentillesse et à la socialité. Pourtant, tout y est – y était sans doute aussi, avant que les SS décident d’installer un camp de travail et d’y déployer toute l’horreur de leur système d’extermination.

Au sommet qui donne à voir Munich et les montagnes, grâce aux papis cyclistes, l’on m’a présenté la région, ses beautés, les itinéraires possibles et l’un d’eux m’a même emmenée avec son e-bike jusqu’à la ville la plus proche. Entrer dans Dachau en suivant l’Amper était l’accès en ville le plus joli qui m’ait été donné durant ce voyage.

L’Auberge de jeunesse est aussi un vrai lieu de rencontre, de discussion et de mémoire associé au centre d’études Max Mannheimer (1920-2016), survivant de la Shoah.

Sur le camp, seuls le silence et la prière peuvent lutter contre l’horreur et contre l’oubli.

Je garderai l’image de cet arbre, peint en blanc, différent, stigmatisé.

Contre ces images, ces fantômes, ces angles droits, mortels et gris, il fallait monter au château de Dachau et trouver ce jardin magnifique avec la vue sur Munich avant de rouler dans la verte campagne en suivant le Wurm, ruisseau tournicotant comme son nom, puis faire une pause au château de Blutenburg.

Passer par le parc du château Nymphenburg pour venir m’installer près de la gare centrale dans une YMCA pleine de vie, de jeunesse et d’activités. Une vraie ruche.

Capitale de la Bavière, Munich impressionne par ses monuments, ses églises, ses musées, ses rues larges, sa vie nocturne et le monde qui y fourmille. Au milieu du parcours, à près de 500 km à vol d’oiseau, mais sans doute pas loin de 1000 km dans les mollets, j’ai profité d’une pause méritée et musicale.

Un jour pour prendre mes marques et un deuxième pour « fermer la boucle », comme j’aime à dire. La vieille ville se visite à pied et l’on ne cesse de lever les yeux : vers la Frauenkirche, le Rathaus, les églises, les palais, la lune ronde alors qu’une musique résonne dans le jardin de la Résidenz.

Soirée magnifique avec le concert du BRSO (Orchestre symphonique de la radiodiffusion bavaroise) sous la direction de Marie Jaquot, jeune cheffe française, hyper claire, vive, très expressive et qui semble jouer avec la musique comme elle a joué au tennis dans sa jeunesse. Assise à quelques mètres au-dessus de son podium, j’ai pu admirer la précision du geste, son visage, ses sourires aussi. Et, en guest star, Gautier Capuçon pour interpréter magistralement le Concert n° 85 de Elgar. Je craignais l’effet people mais j’ai été subjuguée par la complicité, le rayonnement de ce duo français qui a emmené les musiciens et le public. Très belle interprétation, puissante, de la Symphonie op. 12 de Richard Strauss.

Deuxième soirée de concert au Théâtre National. Lieu magnifique pour un programme anglo-français conduit par le jeune chef Joseph Bastian, avec en apothéose toutes les couleurs de l’orchestre dans La Mer de Debussy. La surprise – intéressante – de réeentendre le même concert pour violoncelle d’Elgar dans une version qui m’a semblé plus lisse. Coup de coeur pour l’Adagio pour cordes de Guillaume Lekeu (1870-1894), compositeur belge mort à 24 du thyphus.

Et dans la journée, retour vers la Sendlinger Strasse et l’incroyable Asamkirche, sommet du baroque.

Je me suis ensuite arrêtée au Münchner Stadtmuseum qui commémorait les Jeux olympiques de 1972, qui se voulaient colorés, légers, culturels, festifs et qui furent tragiquement endeuillés par l’attentat qui tua 11 athlètes israéliens.

La musique occupait aussi l’espace de l’exposition sur le clubbing munichois, qui reste à découvrir, j’avoue…

J’ai terminé ma visite par le retour sur le pire, puisque Munich, sous ses airs bonhommes, chaleureux et mondains, a été le point de départ et le centre névralgique de l’idéologie nazie, soumise à la progression tellement organisée, systématique, écrasante de ceux qui, au départ, était un petit groupe d’hommes éduqués, sûrs de leur bon droit et assoiffés de puissance.

Une des deux mappemondes placées dans le bureau de Hitler, référence utilisée par Chaplin en 1938 dans Le Dictateur, sur la musique de Wagner.

Fermant ici la boucle de la mémoire.

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