Donaueschingen – Ulm (partie 2)

Jour 4 – Les parfums, les couleurs et les sons… jusqu’à Blaubeuren

La nature est un temple[1], Baudelaire l’a écrit. 

Autant le chemin de ce jour a réveillé mes oreilles et mes yeux par mille petits sons, clins d’oeil musicaux et jeux d’eau colorés, autant la nature, défigurée par l’industrie humaine, s’est laissé envahir par la présence malodorante des usines et des porcheries.

Commençons par la laideur avec cette fabrique de papier à l’entrée d’Ehingen. De quoi renoncer totalement à imprimer.

D’autre verrues monstrueuses abîment la campagne. Et je vous épargne l’odeur. « Pouah ! » dit le lutin.

Das klinget so herrlich, das klinget so schön, Mozart, La Flûte enchantée, Air des clochettes

Diapason personnel sur la barrière d’un pont résonant d’un sol dièse, clés parfois fantaisistes pour annoncer une fête de la musique, arbres vibrillonnant de milliers d’oiseaux, cloches tintant aux églises, signalisation du train et petits caillous devenant percussion sous mon garde-boue, au rythme du guiro.

Jusqu’à cette grotte immense de Hohle Fels visitée par hasard, offrant un concert de gouttes d’eau et une belle résonance pour chanter, dans laquelle ont été découverts, outre une minuscule Vénus aux proportions généreuses, les plus anciens instruments de musique de notre humanité, des flûtes de 42’500 ans !

Dans cette région du Jura souabe classée à l’Unesco, nombreux sont les sites paléolithiques et la musique faisait partie de la vie sociale[2]

Aujourd’hui, les sons jouaient leur Petite Musique de jour.

Quant aux couleurs, ce n’est pas le gris du ciel qui nous contredira : de Riedlingen à Blaubeuren en passant par Ehingen, les maisons à colombages, les Regelhäuser en allemand, propriétés des pauvres qui n’avaient les moyens d’ériger des pierres, étalent leurs façades et donnent à lire des histoires familiales.

Les monastères d’Obermachtal et de Blaubeuren, vastes et imposants, s’accordent au paysage.

Mais c’est le bleu incroyable du Blautopf qui semble le plus incongru dans cette grisaille.

Enfin quelques reflets de cette dernière étape avec Etienne dans ce premier tronçon en Allemagne.

Jour 5 et suivants – Ulm

Rouler dans la brume matinale, apercevoir des biches en lisière de forêt, des zébus et des canards, bonheur simple et frais qui fait le goût de ce voyage. Nous suivons le bleu, ce Blau affluent du Danube qui déteint dans toute la vallée de la Blautal : de Blautopf à Blaubeuren, Blaustein, tout est bleu.

Ulm est sous la pluie, mais la rencontre dans une belle confiserie avec Gudrun Sinclair, musicienne retraitée pétillante, a illuminé notre journée et fait revenir le soleil. Elle nous a montré l’Ecole de musique de la ville de Ulm où elle a enseigné la clarinette de longues années. Une piscine réaménagée pour accueillir des cours individuels, des choeurs d’enfants réputés, des orchestres et des concerts.

Gudrun nous a ensuite guidés à travers le Quartier de Pêcheurs, ses canaux et ses maisons pittoresques.

Une visite au Musée du Pain et la visite du Münster, église gothique la plus haute et la plus grande d’Allemagne dont la flèche, avec ses 161 mètres, est même la plus haute du monde. Eglise réformée depuis 1530, elle longtemps été plus modeste et c’est dans la deuxième phase de construction, entre 1844 et 1890, que son clocher a été élevé. En 1944, les raids alliés ont détruit une majeure partie de la ville. Mais le Münster fut à peine endommagé.

Ulm balance inexorablement entre modernité et histoire.

Ainsi la bibliothèque municipale, remarquable pyramide de verre, offre une vue imprenable sur la cathédrale.

La Kunsthalle Weishaupt, musée d’art contemporain, est couplée au Musée de la Ville qui présente des trésors de la Préhistoire et des temps anciens, mais aussi une jolie collection de pièces contemporaines.

Ainsi les lithographies amoureuses de Chagall répondent à l’ironie du Pop Art, et ce puzzle incroyable de l’homme-lion en ivoire de mammouth illustre bien le labyrinthe du lieu et du temps.

D’une bibliothèque à l’autre : le répit de la pluie nous a permis d’enfourcher nos vélos pour filer à Wiblingen avant la fermeture pour visiter le monastère bénédictin et son incroyable bibliothèque rococo.

Cohérence avec les dorures de cette immense basilique du XVIIIe.

Véritable ressourcement de cette semaine aux sources du Danube, entre vert, gris, bleu, noir, rouge et or, couleurs du coeur.

Trajet : 200 km (A suivre)


[1]  Relire « Correspondances », poème des synesthésies, in Les Fleurs du Mal (1857)

[2] Revoir l’article Pratiquer la musique, une activité durable et qui fait durer

2 thoughts on “Donaueschingen – Ulm (partie 2)

  1. Ton blog est magnifique. Tu arrives même à donner du charme à une fabrique de papier malodorante 🙂 Merci de nous faire voyager avec toi !

    Bonne route !

    Delphine

    1. Merci de ton message, chère Delphine. Je pense évidemment à vous, mes collègues de français, dans les moments d’écriture, et je m’applique un peu… J’adore sentir venir – et trouver soudain – le fil thématique, l’idée qui réunira le parcours. Et je me rends compte aussi des références qui sont les miennes. Le savoir, comme la musique et les arts, est la seule chose que nous possédons vraiment. Amitiés, Isabelle

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