Donaueschingen – Ulm (partie 1)
Jour 1 : Jeu de cache-cache jusqu’à Tuttlingen
Aux sources du Danube, la nature est généreuse. Champs à perte de vue, forêts et calmes bourgs. Contre toute attente, après un week-end sous les averses, le bleu nous accompagne dans ce trajet matinal. A la confluence du Breg et de sa soeur née dans la Schwarzwald, le fleuve encore jeune prend son nom fameux peu après le château des nobles de Fürstenberg et le monument des sources.
Assez étonnamment, ce fleuve venu des Alpes et coulant d’ouest en est débute son parcours par l’effacement et s’enfonce dans la roche du Jura souabe, désertant nos yeux dans la verdure rousse de l’automne. Ses eaux tombent alors dans le royaume de son grand frère rhénan et changent même de sens, partant vers le nord. Plus tard, le flot sourd à nouveau et nos vélos retrouvent sa présence au bord de la route.
De l’effacement des eaux à l’effacement d’un caractère, la leçon vaut également pour nous. Voyageant à deux pour quelques jours, nous devrons sans doute changer de route, de volonté, peut-être même aller à contre-sens pour avancer sous une météo changeante.
Hommage à Perec, La Bruyère, Zola et Modiano[1]
Jour 2 – En couleurs jusqu’à Sigmarinen
Longue étape dans les gorges du Danube. Paysages de tableaux préromantiques, tracé sinueux de la rivière qui a creusé les roches tourmentées. Le Donauradweg traverse cette région plutôt sauvage, tantôt sur des voies asphaltées, tantôt des chemins de campagne de terre battue et de graviers dans la forêt.
Arlequin et Colombine : des couches colorées pour ne pas avoir froid (température entre 8° et 10°)
55 kilomètres de vélo dans tous les terrains, 435 mètres de montée, et autant de descente.
Des châteaux en haut des falaises, dont la forteresse Wildensteiner à Leibertingen utilisée comme Auberge de Jeunesse.
Des monastères – Beuron, Inzigkofen
Faons, écureuils gourmands, zébus, vaches et poules
Hohenzollernschloss à Sigmarinen, enclave française qui abrita un millier de collaborateurs en 1944, dont l’écrivain Céline.
Au final, bien contents d’arriver à Sigmarinendorf dans un hôtel à la ferme et de déguster du boeuf de Galloway !
Jour 3 – Dans le gris jusqu’à Riedlingen
Petite étape pour une journée froide et pluvieuse, l’occasion de se reposer et d’organiser la suite du voyage. De constater aussi que mon équipement tient l’eau et que ma doudoune sera utile. En réalité, rien ne me décourage tant qu’il y a un thé chaud au bout de la route.
Nous avons quitté les canyons creusés par le fleuve pour des champs à perte de vue. Dans ce paysage plat, les clochers sont nos repères ; pas étonnant que les pèlerins s’y raccrochent.
Ainsi Scheer possède une église baroque rococo assez incroyable.
La route du Danube traverse de petits bourgs, longe les champs et les cabanes de chasse.
Avant la pluie, vol bas pour les hirondelles qui s’amusent au plus près du sol. Exercice pour le départ ou quête de nourriture.
Riedlingen nous accueille avec le vol des cigognes et ses maisons de livres d’images. Nous irons la visite demain, par temps meilleur.
Playlist du jour – Sophie Hunger, 1983, pour chiller en mangeant du chocolat et en regardant tomber la pluie
A suivre…
[1]Référence à Perec, La Disparition, roman écrit sans la lettre e. Ici, point de i, donc sans les mots érosion, calcaire infiltration, disparition, Brigach, il, qui et tous les imparfaits ; dans Les Caractères, La Bruyère dresse le portrait de son époque ; allusion à Madame Sourdis (1900), personnage sournois de la nouvelle de Zola qui tourne autour de la peinture ; l’effacement est un thème récurrent chez Modiano, par exemple dans le roman Dora Bruder, mémoire des lieux pour retrouver la jeune fille juive raflée en 1942.