Aarau – Baden, on the road again

Rentrée à Lausanne pour un concert avec Cantocello, j’ai prolongé l’expérience du voyage à Plateforme 10, en visitant l’exposition TRAIN conçue par Photo Elysée. Un accrochage impressionnant qui ouvre largement le champ de la réflexion, en associant images fixes et mobiles autour de cette mythologie du progrès que représente la locomotive et son chemin de fer, dans ces gares où se croisent les destins et les classes sociales. De Cendrars à Caillebotte, en passant par La Roue d’Abel Gance et tant d’autres photographes dont je ne connaissais pas le nom, cette thématique vaste et riche appelle à questionner et à voyager les yeux ouverts.

L’exposition aérée et colorée du MUDAC (Musée d’Art Contemporain) est aussi très accessible. Elle offre des occasions de sourire et des objets non seulement beaux, mais terriblement fantaisistes. Les affiches de cinéma nous ont donné envie de regarder The Darjeeling Limited, un train movie initiatique qui se déroule en Inde, teinté de ce flegme anglais qui m’est incompréhensible.

J’ai donc repris la route, la tête pleine d’images et ravie de ce week-end artistique avec les miens.

L’Art ? L’Aar ! La transition est aisée.

Ayant retrouvé mon vélo à la gare de Aarau, ville qu’il faut décidément prendre le temps de visiter, – d’ailleurs nous sommes lundi et les musées sont fermés, il faudra donc revenir ! -, j’ai pris la direction de Brugg sur l’itinéraire 8, cette Route de l’Aar à découvrir absolument, tant elle est agréable, bien indiquée et reposante. Il existe un autre parcours qui part d’Aarau par la route cantonale, mais je recommande vraiment suivre les rives de l’Aar, d’un turquoise presque laiteux, sous le soleil magnifique de cette journée.

Peu de kilomètres en vérité jusqu’à Brugg, mais comme je me suis arrêtée régulièrement pour faire des photos et rouler tranquillement sur le chemin de gravillons, j’ai mis bien plus de temps qu’il n’en fallait, goûtant jusqu’au bout ce paysage serein. Et je présume, avec raison, que la suite du parcours sera moins détendue.

Poumon régional, la rivière offre des accès aux baigneurs, les piscines sont aussi nombreuses. On aperçoit au loin les châteaux de Lenzbourg, Wildegg et Wildenstein qui surplombent.

Carrefour où se rejoignent l’Aar, la Reuss et la Limmat, Brugg – qui tire son nom de pont (brücke) – possède d’importants vestiges romains et c’est sur la place Eisi, proche du Musée Vindossia, du nom de du camp militaire romain, qu’on découvre la stèle Mozart.

Brugg est en effet un axe de passage, du fait de l’étroitesse de l’Aar à cet endroit, car les Romains y avaient érigé le premier pont de bois qui n’excédait pas la longueur d’un tronc.

Longeant obstinément la rivière, je suis arrivée, par une erreur féconde, comme toujours, sur un spot de saut dans la rivière.

Puis une jolie école, une rue descendant sur l’Aar, des habitants pittoresques et assez peu d’animation.

J’ai assouvi ma fringale soudaine par une Schokoladekopf à la confiserie Mor : exerçant mon allemand, j’ai alors pensé au mot Mohrenkopf qui n’est plus autorisé, puis au Maure de La Flûte enchantée et la boucle Mozart était bouclée… Bonne intuition ! A vélo, il faut toujours boire et manger quand il y en a la possibilité car on ne sait pas où sera la prochaine fontaine ; la suite du trajet était effectivement un peu plus sportive.

Quittant le centre de Brugg, je suis montée vers un parc magnifique qui s’est avérée être celui de la Clinique Psychiatrique. A l’arrière, le monastère de Königsfelden m’a poussée à faire le détour et à parcourir le Parc Vindossia.

J’ai ensuite pris la route de Windisch (anc. Vindossia) et découvert la Reuss et ce n’est pas les 100m de remontées sur 4km qui m’ont fait peur ! L’arrivée sur Baden par l’autoroute, compliquée par les travaux, ne m’a permis de d’entrée dans la ville par le meilleur accès, mais c’est un bijou teinté du 19e que j’ai découvert en fin de journée.

Hanspeter Neuhaus m’attendait devant la stèle Mozart, sur la Kirchplatz.

Il m’a ensuite fait visiter, en privé, le petit Musée du Trésor (Kirchenschatzmuseum) récemment rénové et dont il est le responsable. Une merveille ! Ein Kleinod ! Objets religieux d’or et d’argent, vêtements liturgiques conservés depuis le 15ème siècle, livres anciens organisés dans un espace totalement repensé sont remis dans leur contexte pas une video très explicite. Rarement vu un trésor si bien mis en valeur.

Une fois installée à l’Auberge de Jeunesse au bord de la Limmat, j’ai flâné dans la ville à vélo pour trouver à manger, des raviolis tibétains, juste ce dont j’avais besoin.

Puis j’ai découvert le quartier thermal aux charmes un peu désuets et les bienfaits de cette eau à 47°dans un bain public tout récemment ouvert au bord de la rivière.

Cette deuxième journée à Baden fut culturelle.

Direction Wettingen, en passant par Neuenhof.

Le monastère cirstercien de Wettingen, fermé en 1841, devenu Ecole Normale puis gymnase en 1976, est un lieu très bien préservé dans un cadre magnifique. Une nouvelle exposition, vivante et interactive, accessibles aux jeunes, est installée depuis le printemps 2022.

L’abbatiale, lieu ouvert, annonce la richesse de la visite.

Le musée permet de découvrir différents espaces, et notamment une exposition conçue avec les élèves du Gymnase dans le Parlatorium, seul endroit où les moines étaient autorisés à parler. Questions existentielles ou plus futiles, toutes ont leur place.

Cloître parfaitement restauré, jardin, église des moines avec des stalles impressionnantes, et une projection qui pose la question du savoir, d’hier à aujourd’hui.

Les jardins et la maison de l’abbé, elle aussi toute récente, m’ont fascinée.

Dans l’après-midi, retour à Baden : c’est la Villa Langmatt qui m’a subjuguée. Une collection incroyable de tableaux impressionnistes dans un écrin magnifique, demeure de la famille Brown, co-fondatrice de Brown, Boveri, aujourd’hui ABB, qui occupe tout un quartier de Baden.

Encore un regard sur Baden, coup de coeur.

Et sur le quartier des bains, tradition sympathique.